Diriger autrement, avec le mouvement et sa tête, son cœur, ses tripes

Tête coeur tripes la clé de la performance et du leadership

Pour ce 5ᵉ épisode de L’Onde 100% RH, Batka reçoit Nicolas Roucou, CEO de Decathlon Canada, pour un échange sans filtre sur un sujet crucial : comment bâtir des organisations agiles et résilientes, capables de rester performantes dans un environnement en perpétuel mouvement.

De son passage par l’aéronautique à la création de Decathlon Canada, son parcours est marqué par des choix audacieux et des transitions assumées. De ces expériences, il a tiré une conviction forte : pour diriger durablement il faut savoir conjuguer trois forces intérieures que sont la tête, le cœur et les tripes. 
 

À travers anecdotes et principes d’action, Nicolas partage une vision du leadership où la simplicité structure, où la diversité stimule l’innovation et où la responsabilité se déploie à tous les niveaux de l’entreprise. 

1. Sortir du confort pour rester compétitif

Pour Nicolas Roucou, le confort est une situation où un collaborateur peut être facilement piégé.  Même s’il rassure, le confort finit par freiner son élan, son potentiel. Il devient alors une “sécurité toxique” coûteuse, qui touche dans un premier temps les équipes puis qui anesthésie l’entreprise entière. 
 

Cette “ sécurité toxique”, Nicolas Roucou l’illustre très bien en la comparant à un kayakiste qui descend une rivière. Tant qu’il s’adapte au courant, le sportif prend le pli de l’adaptation pour progresser avec fluidité. Mais s’il fait le choix de s’écarter par confort, revenir dans le flux lui demandera un effort considérable. 

En entreprise, “rester dans le flux” signifie continuer à apprendre, à relever des défis et à s’exposer à des environnements qui obligent à se réinventer. Cela suppose d’accepter l’instabilité et de l’utiliser comme moteur de progrès. 

Les RH ont un vrai rôle à jouer. Pour rester dans cette dynamique de progrès et éviter que la routine s’installe, ils doivent concevoir de nouvelles carrières permettant de maintenir les talents dans une dynamique d’évolution.  Cela passe par des mobilités internes, des projets transverses, des responsabilités élargies, ou encore des immersions dans de nouveaux marchés. Car, dans ce mouvement continu, la vitalité d’une entreprise se mesure aussi à sa capacité à garder ses collaborateurs même dans “l’inconfort”.  

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Pour les RH, comprendre et évaluer l’alignement de ces trois forces est fondamental. Un collaborateur aligné sur ces trois dimensions est non seulement plus engagé, mais aussi plus résilient face aux changements.
Nicolas Roucou
CEO Décathlon Canada

2. L’alignement tête – cœur – tripes : un levier de performance durable

Pour Nicolas Roucou, la réussite professionnelle, tout comme la solidité d’une organisation, tiennent à un équilibre entre trois forces intérieures : 

  • La tête : les compétences, les savoir-faire, les talents techniques. 
  • Le cœur : ce que l’on aime faire, ce qui nourrit l’engagement et l’enthousiasme. 
  • Les tripes : la volonté, l’énergie et la motivation profonde qui poussent à agir. 

Trouver cet alignement est un exercice complexe, mais essentiel. Nicolas en a fait l’expérience lors d’un moment charnière de sa carrière : au lieu de se demander “Quel poste veux-tu occuper ?”, il s’est demandé “Qu’as-tu envie de vivre dans les dix prochaines années ?”. 
Ce nouveau questionnement lui a permis de trouver un cap personnel et professionnel qui ne dépendait pas d’un intitulé de poste, mais d’aspirations concrètes. 

Pour les RH, comprendre et évaluer l’alignement de ces trois forces est fondamental. Un collaborateur aligné sur ces trois dimensions est non seulement plus engagé, mais aussi plus résilient face aux changements. Il sait pourquoi il agit, aime ce qu’il fait, et possède les compétences pour mener ses missions, même dans une culture de “l’inconfort” et du changement continu.  

Comment les ressources humaines peuvent-elles repérer cet alignement tête, coeur, tripes ? 

  • Au niveau du recrutement. Par l’évaluation approfondie des compétences et l’adéquation entre les motivations profondes du candidat et la culture de l’entreprise. 
  • Au niveau de la gestion des talents. Par l’accompagnement des collaborateurs à clarifier leur propre “triangle” tête – cœur – tripes et orienter leur propre développement. 
  • Au niveau de la mobilité interne : Par la mise en place de chemins d’évolution qui respectent cet alignement plutôt que des promotions par opportunité. 

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Depuis 2020, les transformations sociétales et environnementales accélèrent l’évolution du monde des ressources humaines. En tant que partenaire RH de confiance, Batka accompagne entreprises et candidats dans ces changements. Chaque mois, nous partageons des conseils et bonnes pratiques pour mieux gérer vos RH, renforcer votre culture d’entreprise et développer vos talents. 

3. L’entreprise comme organisme vivant

Le mot “organisation” vient du latin organum, qui désigne ce qui est apte à la vie. Pour Nicolas Roucou, cette étymologie n’est pas anecdotique : une entreprise devrait fonctionner comme un organisme capable de s’adapter, de se régénérer et d’évoluer rapidement avec et face à son environnement. 

Or, beaucoup d’organisations se déracinent de leur vitalité. Par suite de choix de confort, elles se sont progressivement enfermées dans des processus rigides. La conséquence ? Une prise de décision ralentit et des équipes coupées du terrain. Dans un monde où l’information circule instantanément et où les marchés se transforment sans préavis, cette rigidité est un handicap majeur. 

Pour Nicolas, trois fondamentaux permettent de maintenir l’agilité d’un organisme vivant : 

  1. Un “pourquoi” clair et simple : la raison d’être doit tenir en une phrase compréhensible par tous, du stagiaire au dirigeant. Plus cette cause est limpide, plus est facilement transmissible et plus elle devient fédératrice. 
  2. Des valeurs partagées et non négociables : elles constituent le socle culturel. Si un collaborateur n’y adhère pas ou les transgresse, c’est un signal fort qu’il faut agir. 
  3. Un modèle stratégique lisible : chacun doit connaître les grandes orientations, les règles du jeu et comment son travail peut contribuer au résultat collectif. 

La clé est de résister à la tentation de la complexité. Multiplier les strates hiérarchiques, les procédures et les comités peut flatter l’ego ou rassurer à court terme, mais cela finit par freiner l’organisation. La simplicité n’est pas du simplisme. C’est la faculté de garder uniquement l’essentiel pour concentrer l’énergie là où elle créatrice de valeur. 

 

4. Le rôle du dirigeant au XXIᵉ siècle

Dans les modèles d’hier, le dirigeant concentrait le pouvoir de décision et tranchait sur tout. Pour Nicolas Roucou, cette manière de diriger n’est plus compatible avec la vitesse et à la complexité du monde actuel. Le leadership moderne repose sur un principe clé : la subsidiarité. La décision doit se prendre au plus proche de sa conséquence. 

Concrètement, cela signifie que si une décision impacte directement un magasin, c’est au directeur de ce magasin, avec ses équipes, de la prendre. Le rôle du dirigeant n’est plus d’arbitrer chaque choix, mais de créer un cadre clair où les collaborateurs peuvent agir sans attendre une validation hiérarchique. 

Cette approche a un effet direct sur la performance. En répartissant le pouvoir d’agir, 95 % des problèmes trouvent une solution localement, rapidement et sans alourdir l’organisation. Les 5 % restants (décisions stratégiques, investissements majeurs, arbitrages complexes) restent du ressort du dirigeant. 

Un indicateur inattendu découle de cette philosophie : plus un dirigeant a de temps disponible, plus l’organisation fonctionne bien. Ce “temps libéré” est le signe que les équipes prennent leurs responsabilités, que la confiance est réelle et que l’entreprise avance sans dépendre d’un point de validation unique. 

Pour les RH, cette vision du rôle de dirigeant doit les inciter à accompagner les leaders vers une posture de facilitateur, à en faire des gardiens de ses valeurs fondatrices et du cap stratégique. Le levier de transformation et de performance d’une entreprise se trouve là et non dans la posture d’un chef unique et omniprésent.

Pour Nicolas Roucou, la diversité va au-delà des indicateurs classiques de parité ou de mixité. Elle existe à travers la richesse des parcours, la variété des approches et la pluralité des personnalités. C’est cette diversité “absolue” qui stimule l’innovation, qui accélère la résolution de problèmes et qui renforce la résilience collective. 

Encore faut-il créer un environnement où ces différences peuvent réellement s’exprimer. Dans beaucoup d’entreprises, l’intelligence collective se résume au brainstorming : chacun parle librement, mais la décision finale revient souvent au plus haut gradé présent. Résultat : on perd le potentiel des points de vue divergents. 

Nicolas défend l’usage de méthodes structurées de facilitation. Bien plus efficaces qu’un échange improvisé, elles permettent de traiter des problèmes complexes en quelques heures, en convergeant vers une solution construite par le groupe. Ces approches transforment la diversité en moteur d’action visible. 

Encore une fois, les RH doivent avoir la capacité de construire la diversité d’une entreprise. Et cela passe par :  

  • La formation des managers à ces techniques de facilitation. 
  • La diversification des profils recrutés pour enrichir les regards. 
  • La garantie d’un cadre où les voix minoritaires peuvent s’exprimer sans crainte. 

Une organisation qui maîtrise l’ensemble de ces leviers se donne, aujourd’hui, un avantage compétitif tangible !  

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